Comment se libérer d’un choc émotionnel

Isabelle, 50 ans, a été guérie de ses angoisses par une psychothérapie bien mystérieuse : l’EMDR – pour eye movement desensitization and reprocessing, soit en français «désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires». Il y a vingt ans, cette femme a perdu son bébé d’un mois. En 2007, un de ses enfants est tombé malade, ce qui a suscité des crises de panique intenses et réactivé le traumatisme ancien. «Je me suis sentie submergée, j’étais assaillie par des images, des flashes. Je voyais
mon bébé mort à l’hôpital», explique-t-elle. Isabelle s’est rendu compte qu’elle vivait dans la peur permanente de la mort : la sienne, celle de son mari, de ses enfants.

Elle avait entendu parler de l’EMDR et a alors consulté un psychiatre formé à cette technique. «Le principe consiste à revivre émotionnellement le souvenir traumatique, pour s’en libérer, explique Roland Jouvent, chef du service psychiatrie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) et auteur du Cerveau magicien (éd. Odile Jacob). L’astuce consiste à capter l’attention du sujet par des stimuli visuels ou sonores, voire auditifs pour les enfants, pour abaisser les défenses inconscientes et permettre la reviviscence du choc émotionnel.» Mouvements oculaires de gauche à droite, tapotements alternatifs sur les genoux sont autant de moyens de distraire l’attention.

Isabelle poursuit : «Le thérapeute m’a demandé de me concentrer sur un événement heureux lié à mon fils. Pendant ce temps, il tapotait alternativement sur mes genoux. A partir de là, les idées et les sentiments se sont enchaînés : la culpabilité d’avoir accouché avant terme, la tristesse, mais aussi les moments heureux avec mon fils. Tout ce que j’avais accumulé s’est déversé», se remémore-t-elle. Soudain, elle a ressenti une douleur à la poitrine comme si elle était poignardée.

A l’issue de la séance, les images traumatiques avaient laissé place à un apaisement : «Je me suis sentie libérée. J’éprouve toujours autant d’amour pour mon fils, mais je peux penser à lui sans souffrir.» On ignore toujours comment cette thérapie fonctionne. Mais la Haute autorité de santé (HAS), au vu de son efficacité thérapeutique, la recommande, aux côtés des thérapies comportementales et cognitives, dans une pathologie bien particulière : les états de stress post-traumatiques (ESPT). Ce trouble est une réaction psychologique consécutive à une situation durant laquelle l’intégrité physique ou psychologique du patient (ou de son entourage) a été menacée ou effectivement atteinte (accident, viol, maladie, guerre, attentat…).

Le Dr Aurore Sabouraud-Séguin, psychiatre et directrice du centre Psychotrauma (créé après la vague d’attentats de 1995 à Paris), détaille les symptômes : reviviscence du traumatisme avec des cauchemars ou des flashes, activation du système neurovégétatif avec des sursauts, forts battements cardiaques à la moindre alerte, et troubles du caractère. Au centre Psychotrauma, deux thérapeutes appliquent la technique. «Nous ne l’utilisons que dans des cas précis. En général, une dizaine de séances est nécessaire pour les cas graves», explique le Dr Sabouraud-Séguin. Cette thérapie se développe également en libéral. Chaque séance dure 90 minutes pour un prix allant de 80 à 140 euros. «Il semblerait que le fait d’amener le patient à conserver un état d’attention double – sur le souvenir traumatique et sur une stimulation sensorielle bilatérale alternée – ait pour effet d’envoyer des informations apaisantes», explique Jacques Roques, vice-président d’EMDR-France et auteur de Découvrir l’EMDR (éd. Marabout).

La technique n’a pas livré tous ses mystères. Les stimuli sensoriels ont-ils un effet spécifique ou agissent-ils comme une simple distraction facilitant l’émergence du souvenir traumatique ? L’avenir le dira… Peut-être.


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