Brigitte dépose un chèque, rémunérant une semaine de ménages, dans son bureau de poste. Elle le place, avec un bordereau, dans une urne spéciale, qui émet un récépissé. Au bout de plusieurs jours, ne le voyant pas crédité sur son compte, elle demande des explications. On lui dit d’écrire à la direction, ce qu’elle fait à plusieurs reprises, en joignant chaque fois une copie de son récépissé. On finit par l’informer que le chèque a été égaré et doit donc contacter l’émettrice afin que celle-ci fasse opposition (15 euros environ) et en signe un autre. Fin août, exaspérée, Brigitte s’adresse au journal Le Monde : «Est-il normal que ce soit moi qui répare une faute de la banque ?»
La Fédération bancaire française, interrogée sur les devoirs des établissements financiers, n’a pas donné suite : «Nous n’en savons rien et, de toute façon, il s’agit de quelque chose de rarissime», a répondu Colette Cova, chargée des relations avec la presse. Pourtant, les plaintes sont nombreuses, sur le forum des Arnaques.com, et auprès de l’Association française des usagers des banques (Afub). L’Autorité de contrôle prudentiel – autorité administrative indépendante, qui veille notamment au respect des obligations des banques à l’égard des consommateurs – estime que «si le client a un bordereau de remise de chèques, la banque qui a égaré ces derniers est responsable du préjudice subi, dans les conditions du droit commun de la responsabilité». Cela signifie, pour Serge Maître, secrétaire général de l’Afub, que «la banque doit, sans délai, créditer le compte du client dont elle a égaré les chèques». Ensuite, elle peut soit lui demander de contacter l’émetteur afin qu’il fasse opposition et signe un nouveau chèque, soit le contacter elle-même.
C’est ce qu’a dit la cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du- Rhône), dans un arrêt de mai 2010. Celui-ci a condamné la Caisse d’épargne et de prévoyance Côte d’Azur. Cette ban – que avait égaré les 52 chèques d’un dentiste de Cannes (Alpes- Maritimes), Bernard Vial, et lui avait dit de se «débrouiller» pour en récupérer le montant, de 22 000 euros, auprès de ses clients.
La banque a été condamnée à rembourser les frais d’opposition de 51 personnes (426 euros), ainsi que les deux jours de travail du dentiste perdus à contacter celles-ci. Elle a aussi dû créditer le montant du seul chèque qui n’avait pas été remplacé. «En ne créditant pas le montant des 52 chèques sur le compte de M. Vial, elle a manqué à son obligation de dépositaire, prévue par les articles 1915 et suivants du code civil», a conclu la cour.