En 2009, 654 000 femmes ont déclaré avoir subi des violences physiques ou sexuelles, 20 000 de plus qu’en 2008. D’après les chiffres du ministère de l’Intérieur, 140 femmes ont succombé aux coups portés par leur compagnon.
Depuis presque 20 ans, l’objectif de la Fédération Nationale Solidarité Femmes est le même : permettre aux femmes de sortir du silence et de l’isolement. L’écoutante, premier maillon de la chaîne, a valeur de confidente.
« Un homme qui bat sa femme, ce n’est ni pathologique ni accidentel », c’est Monsieur tout-le-monde, martèle Viviane Monnier, directrice du foyer parisien Louise Labé, spécialisé dans l’accueil des femmes victimes de violences.
Dans le mécanisme des violences conjugales, l’aspect physique n’est que l’aboutissement d’un processus de contrôle qui s’installe dès le début d’une relation. Une emprise que les professionnels assimilent à une toile d’araignée tissée autour de la femme, pour l’emprisonner.
Au début, c’est insidieux. Ca commence avec un désir de possession. Elle doit renoncer à son travail, aux copines. Et puis aux jupes et au maquillage, parce que lui, ça l’énerve.
Viennent ensuite les menaces qui montent en puissance jusqu’au passage à l’acte. L’explosion peut être aussi bien verbale que physique ou sexuelle. Il s’ensuit une phase de culpabilisation, qui consiste à persuader la femme que c’est de sa faute : « si t’avait pas dit bonjour au voisin, il ne se serait rien passé. »
Une fois qu’elle accepte la responsabilité, il redevient charmant et va faire des choses qu’il ne fait jamais : l’emmener en WE, la couvrir de cadeaux, s’occuper des enfants…
Dans le jargon, on appelle cela « la lune de miel ». « Evidemment plus le temps passe, plus les coups sont fréquents et les phases de répit s’amenuisent », poursuit Viviane Monnier.
Prise au piège de cet engrenage, les victimes ont du mal à briser le silence. Et comme beaucoup d’hommes qui frappent leurs femmes paraissent généralement bien sous tout rapport, personne ne se doute de rien. Cela peut être une soeur, une collègue, une voisine. Toutes les catégories socioprofessionnelles sont touchées, sans exception. La violence conjugale ne relève pas d’un problème individuel ou social, mais bien sociétal.
Si on ne porte un regard que sur la dimension individuelle, on ne pourra pas faire reculer le phénomène des violences conjugales qui n’est que l’aboutissement de stéréotypes portés par la société. Lutter contre les violences conjugales, c’est lutter contre les inégalités.
Sous l’impulsion de vingt cinq associations, la lutte contre la violence faite aux femmes avait ainsi été déclarée « grande cause nationale 2010″ par le gouvernement. La loi du 9 juillet 2010, qui a permis de renforcer l’arsenal législatif et d’accentuer les mesures de prévention et de protection des femmes, a également institué en France une journée nationale, désormais organisée chaque 25 novembre. C’est un progrès mais certainement pas une finalité. Le combat doit continuer.